Jens H. Liebchen, 2011/03/13 Tsukuba-Narita
Jens H. Liebchen
2011/03/13 Tsukuba-Narita
Spector Books, 2011, relié, Édition de 500, signé
Jens H. Liebchen
Spector Books, 2011, relié, Édition de 500, signé
Jens H. Liebchen
Spector Books, 2011, relié, Édition de 500, signé
Photographies et concept : Jens Liebchen
Text : Christoph Schaden
"J'ai quitté le Japon deux jours après le tremblement de terre. La situation était peu claire. Les informations des médias japonais et occidentaux différaient grandement. Le bus pour Narita était à l'heure, comme toujours".
C'est avec pour seul viatique le titre et ces trois lignes de texte* que le lecteur se confronte au dernier livre du photographe allemand Jens Liebchen. Une mise en contexte qui, bien entendu, oriente la lecture des images. Le voyage entre la résidence de Liebchen dans la ville de Tsukuba, située dans l'Est de la métropole de Tokyo et l'aéroport de Narita dure environ 90 minutes pour 50 kilomètres à parcourir. Tout au long du trajet, il a photographié le paysage à travers la vitre de l'autobus. Alerté par les maigres informations fournies par Liebchen, le spectateur cherche des signes de la catastrophe. Or, que voit-on ? Rien. la banalité absolue de la grande banlieue et de la campagne péri-urbaine. Si ce n'étaient les enseignes publicitaires et quelques éléments architecturaux, on pourrait même douter d'être au Japon. Ne trouvant aucun signe de la catastrophe qu'inconsciemment il espère voir, le lecteur / voyeur s'attache aux moindres détails pour tenter de faire coïncider les photos avec le cadre de leur énonciation. Les passants sont peu nombreux ? "Hum, mauvais signe." Un homme fait son jogging ? "Inconscient !" Un cycliste porte un masque respiratoire sur le visage ? "Très inquiétant." Les stations services sont fermées tandis que devant un poste de police les voitures sont impeccablement garées ? "La zone a sans doute été désertée." La chromie des images numériques est froide, un peu bleutée ? "On se croirait dans Twin Peaks ou dans un roman de J.G. Ballard."
Tout l'intérêt de 2011/03/13 Tsukuba-Narita réside dans sa capacité à frustrer en nous le voyeur et dans l'obligation où il nous place de prendre conscience de notre attitude pavlovienne face à l'image photographique. C'est ainsi que les photos de Jens Liebchen s'inscrivent dans un questionnement absolument contemporain autour de thèmes tels que "que peut la photographie ?" ou "quelle est sa capacité à représenter le réel ?" À ces questions Liebchen n'apporte pas de réponses fermées, mais après avoir mis le spectateur face à ses propres contradictions, il a l'élégance de lui laisser le bénéfice du doute. "Et si ces photos n'avaient pas été prises à la date indiquée ?" se demande t'on au bout d'un temps. "Et si c'était le texte qui mentait ?" voudrait-on se rassurer…
Rémi Coignet
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